DOSSIER

COOPERATION DECENTRALISEE

Photos de Hanoï

(Arrêt sur images de cette ville admirable, ancrée au coeur de notre mémoire collective et familiale)

C'est parce que la Coopération Décentralisée a, depuis les années 90, largement contribué à la naissance d'une nouvelle donne dans les relations entre Français et Vietnamiens que nous avons décidé de lui consacrer un dossier. Ce dossier ne peut prétendre à l'exhaustivité en raison du nombre important de projets et de programmes réalisés au cours de ces dix dernières années.

 

UN VOCABLE APPELANT QUELQUES PRECISIONS

Les textes relatifs aux « relations internationales » des collectivités locales sont inclus dans la loi sur l'Administration Territoriale de la République sous l'intitulé : « De la Coopération Décentralisée ». Il convient de préciser que, contrairement à ce que pourrait suggérer ce vocable, il ne s'agit aucunement d'une décentralisation de la politique de coopération de l'Etat .

La Coopération Décentralisée, résultante logique de la Décentralisation lancée en 1982, permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères, dans les limites de leurs compétences et dans le cadre des engagements internationaux de la France.

A la différence de la Coopération Bilatérale qui associe les Etats sur des grands projets impliquant des budgets importants et lourds, la Coopération Décentralisée permet le rapprochement de populations à travers leurs élus et acteurs locaux ( associations, entreprises, chambres consulaires, établissements d'enseignement…) le rôle des O.N.G. ( Organisations Non Gouvernementales), comme partenaires, est également important dans ce type de coopération.

De même qu'au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale les jumelages ont contribué efficacement à réunir Allemands et Français, la Coopération Décentralisée est un moyen d'établir des relations entre les peuples, au Sud comme au Nord ou à l'Est, et ceci pour une meilleure compréhension dans un monde ou l'interdépendance s'affirme chaque jour un peu plus.

Dans le cadre des Comités de jumelage, un certain nombre de communes s'engagent, au cours des années 1980, dans la Coopération Nord-Sud, notamment avec des collectivités des pays « tiers-mondistes ». Leur action est généralement conçue non pas sous l'angle d'aide ou d'assistance, mais en termes d'intérêts réciproques inscrits dans le temps. A leur tour, un nombre croissant de grandes villes, de départements et de régions françaises décident de suivre cette voie et d'abandonner une politique au coup par coup, certes généreuse mais peu efficace. C'est ainsi que, durant cette période, la Coopération Décentralisée se concrétise progressivement à travers des projets et des programmes répondant aux besoins des populations concernées. C'est un grand changement dans le domaine des « relations internationales » !…

Dans le même temps, la situation politique du Viêt-Nam évolue. Des liens de coopération entre des localités vietnamiennes et françaises vont se nouer. Hanoï et la Région Ile-de-France en sont les promoteurs.

COOPERATION ENTRE HANOI ET LA REGION ILE–DE-FRANCE

Depuis la fin des années 1980, on constate en France les prémices d'un regain d'intérêt pour le Viêt-Nam qui cherche à rompre son isolement. Il est dans une situation économique critique, ses infrastructures ont plus de trente ans de retard sur celles des autres pays du Sud-est asiatique. De nombreux défis sont à relever. Pour restaurer des relations normales avec le reste du monde, le Viêt-Nam choisit la Francophonie. Le Viêt-Nam du Sud avait été parmi les membres fondateurs en 1970 de l'Organisation internationale de la Francophonie. Le Viêt-Nam réunifié entérine cette adhésion en 1979 et devient un membre actif de cette structure. Il participe à la première conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays francophones

(Paris, 17,18 et 19 février 1986 – quarante et un pays sont représentés). Vingt-huit décisions pratiques sont prises. Elles touchent des secteurs très divers : énergie, informatique, éducation, télémédecine, culture…Au plan intérieur, le Parti Communiste Vietnamien prend un tournant politique décisif lors de son VIème Congrès ( Hanoï, 15-18 décembre 1986) : une politique d'ouverture, tant politique qu'économique, est lancée officiellement sous le nom de « doi moi » (« changer pour faire du neuf »). L'économie de marché est reconnue, l'initiative individuelle encouragée, la décollectivatisation de l'agriculture et une remise en ordre monétaire et budgétaire sont entreprises. Des réformes majeures sont mises en œuvre, telles que la levée de l'interdiction de parler aux étrangers, la suppression des autorisations de déplacements. Par ailleurs, le Parti promet une véritable politique internationale de formation d'experts.

Dès lors, une importante mutation socio-culturelle s'opère au Viêt-Nam, facteur favorisant les contacts, le développement d'études, de projets, d'échanges, notamment entre universitaires, chercheurs, médecins, scientifiques, urbanistes, etc…, Français et Vietnamiens.

C'est dans ce contexte qu'est signé, en décembre 1989n l'accord de coopération entre le Comité Populaire de Hanoï et le Conseil Régional d'Ile-de-France. Cet accord porte sur : la formation, le développement économique, l'aménagement urbain (grands domaines d'intervention des Régions françaises) et la francophonie. Des actions de promotion de la langue française sont prévues : envoi de livres, cours de français pour les cadres administratifs ou économiques de Hanoï, stages en Ile-de-France pour des cadres vietnamiens désireux de s'initier aux techniques de gestion urbaine ou d'économie de marché – objectif : élargir les actions de partenariat, notamment en matière de développement économique. En appui, des expositions franco-vietnamiennes avec la participation de nombreuses PME/PMI franciliennes.

Un bref résumé de ce qui a été réalisé à ce jour dans le cadre de cet accord, secteur par secteur, donne un aperçu de l'efficacité de cette coopération :

 

-  URBANISME
L'agglomération de Hanoï compte près de 3 millions d'habitants. Un doublement de sa population est prévisible au cours des vingt prochaines années. Cette augmentation spectaculaire s'accompagne d'un surpeuplement des habitations ( la surface habitable par personne varie de 2 à 4m2) – les constructions anarchiques prolifèrent, risquant de conduire à une situation d'étouffement. A cela s'ajoute l'afflux de promoteurs et d'investisseurs internationaux cherchant à réaliser de vastes projets immobiliers (hôtels, restaurants, sièges sociaux et ensembles résidentiels), en se livrant à une concurrence acharnée, menaçant le patrimoine architectural d'une exceptionnelle richesse de Hanoï. – la vétusté et l'insuffisance des infrastructures urbaines nécessitent des mesures urgentes. Afin de gérer de manière cohérente et maîtrisée cette mutation humaine et urbaine, le Comité populaire et la Région Ile-de-France ont décidé de créer un Institut des Métiers de la Ville (I.M.V.).

- L'INSTITUT DES METIERS DE LA VILLE
Inauguré en 2001, l'I.M.V. est co-dirigé par la Région et le Comité Populaire. Cet institut accompagne ce dernier dans le choix et la mise en place de nouvelles méthodes de planification et de gestion urbaines, avec l'organisation de cycles de formation pour les professionnels de l'urbanisme et la réalisation d'études et d'expertises centrées sur les besoins et les projets du Comité populaire.

L'I.M.V. est un lieu ouvert, favorisant le partage de savoir-faire et d'expériences en faisant appel à de nombreux intervenants, telles que la Région Bruxelles Capitale, la Ville de Marseille, la Communauté urbaine de Lyon.

Si le logement a été, dès le départ ; une priorité dans le programme de l'I.M.V., les transports y occupent une place essentielle. La ville est menacée d'asphyxie par la circulation (1). Il est urgent de la doter de moyens de transport en commun adaptés aux habitudes de déplacement de sa population. Pour ce faire, depuis sa création, l'I.M.V. a :

•  organisé des formations sur la planification des transports publics et les méthodes d'exploitation du réseau d'autobus ;

•  réalisé une étude sur la faisabilité d'une ligne de tramway, sur l'axe Est-Ouest de Hanoï

•  élaboré un schéma de transport public incluant bus et tramways.

La première ligne de tramway pourrit être mise en service en 2006.

Dans le domaine des infrastructures urbaines des choix doivent être faits par le Comité populaire : projet de parc animalier à Me Tri, projet de ville nouvelle avec, dans un premier temps, l'aménagement du quartier de Tu Liêm.

Enfin, l'I.M.V. a créé un fonds de ressources documentaires et participe à l'édition d'ouvrages en vietnamien et à la réalisation d'expositions, de séminaires, permettant aux professionnels français et vietnamiens de se rencontrer.

Afin de permettre le lancement de projets d'envergure, la création d'une « Maison » des collectivités et organismes français intervenant au Viêt Nam dans le domaine de « l'urbain » est à l'étude.

- TRANSPORT
La Région Ile-de-France, le Comité Populaire de Hanoï, la Région Bruxelles Capitale et la R.A.T.P. se sont investies dans le projet ASIA TRANS, qui a reçu le soutien de la Commission européenne dans le cadre de son programme ASIA URBS.

FORMATION PROFESSIONNELLE

Le Centre de Hai Ba Trung ( Sud-Est de Hanoï) qui formait, depuis 1984, des jeunes issus de milieux défavorisés, à l'informatique, la menuiserie, la mécanique et la confection textile menaçant ruine, un nouvel établissement a été construit et inauguré en novembre 2002. Il accueille aujourd'hui 4 000 élèves. Par ailleurs, depuis 1989, de nombreux établissements ont bénéficié de l'appui de la Région Ile-de-France, le Centre franco-vietnamien de formation à la gestion, l'Institut polytechnique de Hanoï (gestion) l'Ecole semi-publique de Technologies informatiques, l'Ecole du Bâtiment, etc…

-  EDUCATION – FORMATION
Depuis 1988, la Région Ile-de-France soutient les échanges entre les lycées Marie Curie de Sceaux et Chu Van An de Hanoï, ainsi que ceux entre les lycées Amsterdam de Hanoï et Jean Jaurès d'Argenteuil.
Tous ces établissements proposent à leurs élèves un enseignement bilingue.

La Région participe également au programme du Centre culturel français de Hanoï concernant la formation linguistique renforcée des professeurs de français.

Bourses d'études Région Ile-de-France

Ces bourses sont accordées aux étudiants issus des collectivités locales partenaires de la Région, désireux de suivre un 3 ème cycle dans un établissement supérieur francilien. Depuis 2000, 15 bourses d'études ont été attribuées à des étudiants de Hanoï.

 

- PATRIMOINE
En 2000, une recherche a été entreprise avec le Centre des archives d'Outre-Mer d'Aix-en Provence et l' Institut pour la recherche en architecture et urbanisme du C.N.R.S. afin de retrouver les archives « urbaines » de Hanoï.. Cartes, photographies, divers documents ont été découverts, dont les plans de la citadelle, de l'ancien réseau de tramway, du réseau d'égouts. Ces précieuses archives se trouvent à présent à la mairie de Hanoï.

En 2001, la Région Ile-de-France et le Comité Populaire ont organisé avec le concours de l'Institut français d'architecture, à Paris, puis à Hanoï, la belle exposition : »Hanoï : le cycle des métamorphoses ». Cette exposition retraçait l'histoire de l'habitat, de l'urbanisme et de l'architecture de la Ville de Hanoï au cours du siècle dernier. Les Alasiens ont pu admirer avec émotion des tableaux (scènes de rue) de Jean Delpech, ancien élève du Lycée Albert Sarraut, Grand Prix de Rome de Gravure, artiste de renommée mondiale. Il y avait aussi une très belle photographie de notre Lycée…

A l'occasion de cette exposition, une version numérisée des archives de la Ville de Hanoï a été offerte aux autorités municipales.

Cet aperçu des réalisations effectuées dans le cadre de la coopération décentralisée entre Hanoï et la Région Ile de France donne une idée des nouveaux rapports qui se sont établis, depuis les années 1990, entre des collectivités territoriales vietnamiennes et françaises et qui, au delà, ont créé un pont reliant Hanoï avec d'autres villes de l'Union européenne et d'autres partenaires de la Commission européenne.

 

UNE VOIE NOUVELLE

D'autres Villes, départements et régions françaises ont suivi ce modèle. Les cinq plus importants centres urbains du Viêt-Nam concentrent, à eux seuls, 65 % de la coopération décentralisée, dont Hanoï (30,6 %) et Hô Chi Minh-Ville (17,6 %). Ceci n'exclut pas les provinces vietnamiennes. A titre d'exemples, la coopération entre la Région Aquitaine et le Comité Populaire provincial de la région de Lao Cai a déjà permis l'élaboration d'un schéma directeur et d'un règlement d'urbanisme pour la modernisation de Sa Pa, qui est confronté à un tourisme galopant. Pour la « Ville des Nuages » (surnom de Chapa), il est prévu une architecture moderne en harmonie avec la protection des superbes paysages naturels et de l'environnement. La coopération entre la Région Nord Pas-de-Calais et les Comités Populaires provinciaux de Thua Thiên-Huê et de Quang Nam-Dà Nang contribue, entre autres, aux programmes d'action pour la restauration et la sauvegarde de l'ensemble du patrimoine de Huê, « Chef d'œuvre de poésie urbaine »…

Nous n'avons pas de prétention à l'exhaustivité, tant sont nombreuses les données chiffrées fournies par l'Ambassade de France au Viêt-Nam :

Une cinquantaine de collectivités territoriales françaises ont établi des liens de coopération avec leurs homologues vietnamiens.. Soixante-dix organisations non gouvernementales françaises sont en opération au Viêt-Nam. Dans le domaine de l'éducation, les universités françaises et vietnamiennes ont conclu 152 accords de coopération, tandis que dans celui de la Santé 16 accords de partenariat hospitaliers ont été signés, de même qu'une cinquantaine de programmes de coopération scientifique… Si les actions les plus nombreuses concernant la Formation et la Santé, environ 500 projets et programmes sont en cours de réalisations dans différents secteurs : environnement, agriculture, urbanisme, économie, tourisme, francophonie, culture… Le Viêt-Nam est le premier pays bénéficiaire de l'action internationale du Sénat, qui représente les collectivités territoriales françaises. Cette action se manifeste aussi bien par des échanges fréquents avec l'Assemblée nationale vietnamienne, que par des actions concrètes (financement d'hôpitaux, d'écoles, de projets culturels).

En travaillant dans le respect de leurs diversités, les acteurs de la coopération décentralisée franco-vietnamienne ont ouvert une voie nouvelle, des plus prometteuses. Peut-on dire que Français et Vietnamiens entrent progressivement, selon l'expression de Paul Mus, dans la « sérénité de l'Histoire » ? (2)

L.B.

 

(1) Transports à Hanoï pour l'année 2000 :

  • 1 100 000 motos
  • 333 000 vélos
  • 42 500 voitures ( prévision pour 2020 : 575 000)
  • 350 autobus
  • réseau routier : 1 042 Km

(2) cf. La conclusion de l'article de M. Thai Van Kiem « Confluence historique et culturelle entre la France et le
Vietnam », in « INDOCHINE – Alerte à l'Histoire », publié par l »Académie des Sciences d'Outre-Mer en 1985.

Bibliographie :

•  Cahiers de L'I.A.U.R.I.F. (Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région Ile-de-France
•  Publications du Conseil régional d'Ile-de-France

Illustrations : montage réalisé à partir d'une plaquette de l'Association : Les Amis du Patrimoine Architectural du Vietnam (APAV) et « Hanoi, le cycle des métamorphoses » - Editions Recherches/Iprans –

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